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Saliha Brahim Rahmani : une vie cousue de fil d’or

Avant même de savoir écrire son nom, elle savait déjà coudre. Petite fille curieuse et habile, Saliha Brahim Rahmani découpait, collait, recomposait des bouts de tissu comme d’autres feraient des puzzles. Chez elle, la couture n’était pas un jeu, mais un héritage : sa mère, véritable artisane de l’ombre, lui transmit le goût du travail bien fait, qu’il s’agisse de broderie fine, de tricot ou de couture classique. Dans cette maison où les fils de soie s’entremêlaient aux fils affectifs, une vocation était en train de naître.

Animée par cette passion précoce, Saliha s’inscrit à des cours de couture par correspondance. Elle y perfectionne son art, découvre d’autres techniques, et commence à habiller ses proches. Son style, déjà affirmé, se forgeait dans les pas des grands couturiers français comme Yves Saint Laurent ou Christian Lacroix. Les tissus, elle les choisissait avec instinct. Elle les sentait. Les imaginait. Et leur donnait vie.

Le mariage et la maternité ne l’éloignent pas de ses ciseaux. Bien au contraire. « On n’éteint pas une flamme comme ça », confie-t-elle, les yeux d’un vert émeraude pétillant de souvenirs. Elle continue de confectionner des vêtements pour sa famille tout en gardant un œil attentif sur les tendances. Dans les années 1970, ses anciennes clientes reviennent frapper à sa porte. Elles savent que Saliha a ce talent rare de sublimer une silhouette tout en respectant les codes de l’élégance.

Malgré la pénurie de matières premières dans l’Algérie d’alors, elle persiste. Elle rapporte ses tissus de l’étranger, crée des pièces uniques, et se forge une réputation de couturière perfectionniste. Dans les années 1980, elle intègre le milieu du prêt-à-porter en tant que modéliste. Elle y forme des jeunes, transmet son savoir, et devient une figure incontournable de l’artisanat textile.

Mais les temps changent. Et avec eux, la clientèle. « Aujourd’hui, peu de gens comprennent ce qu’exige une pièce faite main », regrette-t-elle. L’usure du métier, les conditions de travail dégradées, les attentes nouvelles du public la poussent peu à peu à tirer sa révérence. Depuis quelques années, elle a cessé son activité, non sans nostalgie.

« Il y a beaucoup de talents cachés en Algérie », souligne-t-elle. Des créatrices discrètes, sans vitrines ni médias, qui perpétuent l’art de la couture avec passion. Mais trop souvent, les défilés de mode algérois restent figés dans un folklore figé, n’ouvrant que rarement la porte à la vraie innovation.

Saliha, elle, n’a organisé que deux défilés, freinée par les coûts et les priorités familiales. Pourtant, elle garde une opinion tranchée : « En Algérie, on n’a pas encore trouvé un style vestimentaire propre à notre identité. » La mode, selon elle, n’est qu’un cycle, un éternel recommencement, où l’intuition de la coupe fait toute la différence.

Aujourd’hui, septuagénaire lumineuse, elle assiste aux événements culturels avec l’œil aiguisé de celle qui a vécu la mode de l’intérieur. Sa plus grande fierté ? Voir encore des femmes porter ses créations cousues il y a 30 ou 40 ans. Intactes. Immuables. Comme si le temps lui-même avait choisi de les préserver.




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