Dans l’intimité feutrée des ateliers ou à la lueur des fins d’après-midi d’été, des adolescentes algériennes renouent avec les gestes oubliés de leurs aïeules. Aiguille en main et fil doré entre les doigts, elles brodent en silence le souvenir d’un pays riche d’art et de patience.
Dans un petit atelier d’Alger-Centre, Yasmina, 17 ans, ajuste son fil. Sur le carton rigide, elle trace patiemment le contour d’un motif floral, puis commence à poser le fil de soie, doré et délicat. Son haïk blanc glisse légèrement sur ses épaules, tandis qu’elle murmure :
« Je n’ai jamais connu ma grand-mère, mais ma mère me dit qu’elle brodait le mejboud comme personne. Alors, quand je brode, j’ai l’impression d’entendre ses gestes. »
Comme Yasmina, elles sont nombreuses à avoir choisi de consacrer leurs vacances d’été non pas aux plages ou aux séries Netflix, mais à un art exigeant : la broderie traditionnelle algérienne. Et pas n’importe laquelle. Le mejboud et la fetla, deux techniques ancestrales aussi complexes que somptueuses.
La fetla est une broderie de dorure épaisse, souvent réalisée à même le tissu, qui orne les pièces d’apparat telles que le karakou ou la chedda de Tlemcen. Il nécessite une préparation méticuleuse, du traçage du motif à la pose du fil métallique. Chaque point est un acte de concentration. Chaque motif est une déclaration d’amour à l’Algérie d’hier.
La broderie mejboud, elle, est sa sœur plus discrète mais tout aussi précieuse. Réalisée avec du fil de soie ou d’or plus fin sur un carton prédécoupé à la forme de la broderie souhaitée, elle est réputée pour sa finesse et sa délicatesse. Plus difficile à exécuter que la fetla, elle demande un doigté d’orfèvre et une connaissance parfaite des mouvements du tissu. Les deux techniques sont souvent complémentaires dans les broderies de mariage.
À Constantine, Amina, 16 ans, suit des cours de broderie deux fois par semaine dans une maison de jeunes. Elle a découvert la fetla sur TikTok, dans une vidéo d’une mariée portant une blouza décorée à la main.
« Je me suis dit que je voulais apprendre. Ma mère était choquée au début. Mais quand je lui ai montré ma première fleur brodée, elle a pleuré. Elle m’a dit que je faisais revivre quelque chose qu’elle croyait perdu. »
Dans les ateliers de Tlemcen, de jeunes filles posent leurs téléphones pour apprendre les motifs ancestraux : la palme, la rose andalouse, le cyprès stylisé. Leurs professeures, souvent âgées, n’en reviennent pas. « Elles sont douées. Et surtout, elles veulent comprendre, pas juste reproduire. »
Autrefois réservé aux jeunes filles issues de familles bourgeoises, l’apprentissage du mejboud et de la fetla est aujourd’hui accessible à toutes. Ce tournant social réjouit les artisanes du pays. Car les demandes explosent, surtout en été, avec la vague des mariages traditionnels qui relancent la confection de karakous et blouzas entièrement brodés à la main.
Les ateliers qui peinaient à recruter voient désormais dans cette jeunesse curieuse une manne prometteuse. « Elles sont l’avenir du patrimoine », affirme madame Souad, brodeuse depuis 32 ans à Oran. « Moi, je leur apprends le geste, elles y ajoutent leur regard. »
Plus qu’un simple passe-temps, ces heures passées à broder sont aussi des instants de retour à soi. Dans un monde en accélération constante, ces jeunes filles apprennent la lenteur, la patience, le soin. Elles tissent une mémoire textile avec des fils d’or et de silence.
Et dans chaque motif qu’elles reproduisent, dans chaque trait qu’elles dessinent, c’est toute une Algérie qui reprend vie — une Algérie fière, élégante, enracinée.
Ces adolescentes qui brodent aujourd’hui sur les terrasses, dans les maisons ou les ateliers, seront peut-être demain créatrices, restauratrices de tenues traditionnelles, ou même ambassadrices de la broderie algérienne dans le monde. Elles redonnent de la valeur à des savoirs longtemps considérés comme secondaires ou domestiques. Elles les élèvent au rang d’art.
Et pendant qu’elles tracent leur avenir, elles n’oublient pas de broder leur passé.
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