Quand les silences font plus de bruit que les mots : Yasmine, prisonnière d’un dialogue perdu

"Je n'arrive plus à lui parler." C’est ainsi qu’elle commence son récit. Une phrase simple, mais lourde d’un poids immense. Elle n’arrive plus à exprimer ce qu’elle ressent, ce qui la dérange, ce qu’elle voudrait dire pour soulager son cœur. Elle se tait. Par peur. Par habitude. Pour ne pas "gâcher l’ambiance".

Quand la peur de déplaire devient une prison

Au début, Yasmine pensait bien faire : éviter les disputes, préserver la paix du foyer, faire passer les besoins du couple et de leur enfant avant ses propres états d’âme. Mais à force de silence, elle a bâti une muraille. Et aujourd’hui, cette muraille l’étouffe.

« Je suis fatiguée de tout porter seule. Je n’ai plus envie de parler, je n’ai plus la force. Mais je souffre en silence, et ça me rend malade. »
— Yasmine

Son mari ? Il ne voit rien d’anormal. Il croit que tout va bien. Et c’est là le problème. Car l’amour n’est pas l’absence de conflit. C’est la capacité à se parler même quand c’est difficile.

Quand parler devient vital

Nous avons fait appel à Thika, psychologue algérienne exerçant au Canada depuis plus de 30 ans. Son regard est à la fois clair et rassurant.

« Beaucoup de femmes, comme Yasmine, ont appris à taire leurs besoins pour maintenir une illusion d’harmonie. Mais une relation sans communication devient un poison lent : elle éteint, elle use, elle isole. »

Elle nous explique que les non-dits s’accumulent comme des braises sous la cendre. Un jour, ils éclatent. Sous forme de colère, de maladie, de tristesse inexpliquée. Ou de rupture. Il est donc vital de parler. Même un peu. Même maladroitement.

Comment reprendre le dialogue avec son mari ?

Voici les conseils pratiques de Thika :

• Choisissez le bon moment : pas quand vous êtes fatiguée ou stressée, mais au calme, dans un endroit neutre ou apaisant.
• Commencez par le "je" : "Je me sens seule", "J’ai besoin de parler", plutôt que "Tu ne fais jamais ceci ou cela".
• Exprimez une émotion, pas une accusation.
• Écoutez sa réponse, sans l’interrompre, même si ce n’est pas ce que vous vouliez entendre.

Et surtout : ne cherchez pas une solution immédiate. Le simple fait de renouer le fil du dialogue est déjà un pas immense.

Et si ce mal-être est plus profond ?

Thika soulève un point crucial : après une naissance, de nombreuses femmes peuvent traverser une période de grande fatigue émotionnelle. Le stress, la surcharge, les hormones… Parfois, ce n’est pas seulement le couple qui va mal, c’est le corps et l’esprit qui réclament du soin.

Dans ce cas, n’hésitez pas à consulter un médecin ou une psychologue. Il peut s’agir d’une dépression post-partum, une condition très fréquente mais encore trop taboue. Et pourtant, bien accompagnée, elle se soigne très bien.

Le mot de la fin

Yasmine, en t’écrivant, a déjà fait le plus dur : reconnaître son mal-être. Briser le silence, c’est déjà reprendre le pouvoir. Le pouvoir d’exister dans son couple, de retrouver sa voix, ses mots, ses envies.

« Un couple sans parole est une maison sans lumière. Ce n’est pas en criant qu’on se rapproche, mais en osant dire ce qui nous fait peur, avec douceur et sincérité. »
— Thika

Alors Yasmine, prends ton courage, choisis ton moment, et dis-lui. Dis-lui ce qui te ronge, ce que tu veux changer. Peut-être que lui aussi attendait juste que tu allumes la lumière.