Quand les chiffres deviennent des visages, et que les statistiques racontent des histoires de courage, il devient urgent de les entendre autrement. À toutes celles qui osent, qui inventent, qui persistent : cet édito vous est dédié.
En Algérie, elles sont désormais plus de 192 000. Plus de 192 000 femmes qui ont franchi les portes, souvent rouillées, d’un monde commercial encore trop masculin. Plus de 192 000 à avoir dit “oui” à leur ambition, à leur autonomie, à leurs rêves. Le commerce féminin, en croissance de plus de 20 % ces cinq dernières années, n’est pas une tendance passagère. C’est un mouvement. Une vague silencieuse mais puissante, portée par des femmes de tous horizons, de toutes régions, de toutes histoires. Derrière ces statistiques, ce sont des visages, des mains, des voix. Ce sont des mères, des sœurs, des filles, qui transforment les obstacles en tremplins.
Dans les rues d’Oran, de Constantine, d’Alger ou de Tamanrasset, elles tiennent boutique, dirigent des salons, montent des bureaux d’études ou transforment leur cuisine en laboratoire d’entrepreneuriat. Dans le commerce alimentaire, dans la mode, les cosmétiques, l’hébergement, la restauration, elles façonnent un nouveau visage de l’économie nationale – plus résilient, plus solidaire, plus ancré dans le réel.
Oui, seulement 8 % des commerçants sont encore des femmes. Mais 8 % déterminés, résilients, visionnaires. Et chaque nouvelle inscription est une victoire contre l’inertie, une avancée pour nous toutes. Car chaque femme qui s’élève tire les autres vers le haut. Chaque réussite féminine est une main tendue à une sœur encore hésitante.
Et si cette poussée est visible, elle ne date pas d’hier. Car l’histoire de la femme commerçante algérienne est ancienne. Dès l’époque ottomane, dans les ruelles des médinas, les baylekas vendaient tissus, parfums, gâteaux ou terres en waqf. Elles géraient leurs affaires avec adresse et dignité, souvent loin des récits officiels. Aujourd’hui, leurs héritières reprennent le flambeau, mais cette fois, à la lumière du jour et avec leur nom en haut du registre du commerce.
L’Algérie, faut-il le souligner, est l’un des pays d’Afrique du Nord les plus avancés en matière d’accès légal à la création d’entreprise pour les femmes. Un signal fort, validé par le dernier rapport Women, Business and the Law 2024 de la Banque mondiale, qui montre que l’environnement juridique algérien reconnaît pleinement le droit des femmes à entreprendre, emprunter, et innover.
Mais au-delà des textes, il y a cette vérité invisible : selon cette même Banque mondiale, jusqu’à 90 % des revenus générés par les femmes sont réinvestis dans leur famille, leur quartier, leur communauté, contre environ 30 à 40 % pour les hommes. Autrement dit, chaque boutique ouverte par une femme, c’est un cercle vertueux qui commence : les enfants mangent mieux, vont plus loin à l’école, les voisines osent davantage, le tissu social se resserre. Chaque femme commerçante en Algérie est une actrice du développement social, bien au-delà de sa propre entreprise.
À vous, les pionnières d’aujourd’hui et de demain : continuez. Continuez à bousculer les habitudes, à prendre la parole dans les assemblées, à revendiquer votre place dans les registres comme dans les rues. Continuez à inspirer vos filles, vos voisines, vos amies. Vous êtes le poumon discret d’un pays en mutation. Le chemin est encore semé d’embûches, mais il est déjà balisé par vos pas.
À nous, société tout entière, de vous accompagner sans freins ni condition. Car investir dans les femmes, c’est investir dans l’avenir. Et l’avenir, il est déjà en marche – il porte des boucles d’oreilles, des idées brillantes, et une infinie capacité à bâtir un monde meilleur. Et ce chemin, nous le parcourons ensemble, avec la sororité comme boussole.
Femmes d’Algérie, commerçantes de cœur et d’action : vous êtes la preuve que l’économie peut rimer avec solidarité, transmission et dignité.
