Le débat n’est pas nouveau, mais il s’est intensifié depuis que l’UNESCO a inscrit le caftan El Kadi au patrimoine culturel immatériel au titre de l’Algérie, ravivant les tensions autour de l’attribution de cet héritage vestimentaire.
En Algérie, de nombreuses voix affirment que le caftan fait partie du patrimoine national. À Alger, Tlemcen ou Constantine, il est porté lors des mariages et grandes fêtes depuis des siècles. "Chez nous, le caftan est un héritage vivant, transmis de mère en fille", affirme Samira, créatrice algérienne. Pour elle, broderies fines et soies légères sont autant de preuves d’un savoir-faire local.
Mais côté marocain, l’argument identitaire est tout aussi fort. "Le caftan, c’est notre art de vivre", déclare Leila, styliste à Casablanca. Elle insiste sur la notoriété internationale du "caftan marocain", souvent mis en avant lors de défilés à Marrakech ou dans les mariages royaux. Pour Mouna, autre créatrice marocaine, le Maroc a su faire rayonner le caftan au-delà de ses frontières.
L’histoire du caftan ne se limite ni à l’Algérie, ni au Maroc. Selon plusieurs chercheurs en histoire du costume, il trouve son origine dans l’Empire ottoman, avant d’être adopté par les élites du Maghreb. Au fil des siècles, chaque pays l’a adapté à ses traditions, à ses goûts et à ses matériaux. À ce titre, le caftan peut être considéré comme un héritage régional plutôt qu’une propriété exclusive.
Des historiens comme Faouzi Skali ou Loubna Abdelkader notent aussi l’influence des échanges culturels entre les deux pays, notamment grâce aux mouvements migratoires, aux mariages mixtes et aux routes commerciales historiques.
Le débat autour du caftan traduit une réalité plus large : celle d’une compétition culturelle entre deux pays voisins. Il met en lumière les enjeux d’image, d’identité et de reconnaissance internationale. Ce conflit, bien que parfois vif sur les réseaux sociaux, reflète surtout une fierté commune pour un vêtement symbole d’élégance et de savoir-faire.
Pour Nadia, historienne de la mode maghrébine, "le caftan est un langage culturel partagé". Selon elle, "il est temps de reconnaître la richesse de nos traditions sans tomber dans la compétition." Karima, passionnée de couture traditionnelle algérienne, abonde : "Pourquoi s’accrocher au caftan alors que l’Algérie regorge de trésors comme le karakou, la blouza ou la tenue kabyle ?"
Le caftan, au-delà des rivalités nationales, reste un symbole d’identité féminine, de fierté culturelle et de créativité artisanale. Plutôt que d’en faire un sujet de discorde, pourquoi ne pas en faire un vecteur de dialogue et de valorisation mutuelle ? Dans un Maghreb où les traditions se croisent depuis des siècles, le caftan mérite d’être porté comme un pont, pas comme un drapeau.